Lundi 16 mars 2020, il est midi. Nous voilà enfermés pour un temps indéterminé dans notre plus belle cellule, à nous protéger d’un mal dont on ignore tout ou presque, d’un mal dont on doit protéger nos enfants, nos personnes fragiles et nos parents. L’école est finie, la récréation aussi… Enfin, peut-être pas ?
Se confiner pour se protéger, un correcteur professionnel confiné en vaut deux !
Je dois avouer que lorsque que pour la première fois depuis 4 ans j’ai fermé mon portail à clef, un frisson m’a parcouru tant la peur et la perplexité de ce monde que je ne reconnaissais plus me rendaient fébrile. Il me fallait désormais faire avec. L’Autre, l’ami, le voisin, le parent n’était plus le bienvenu chez moi et désormais ma citadelle dans la prairie deviendrait le fort inébranlable de ma famille Plume.
Pourtant en tant que correcteur professionnel dans ma douce campagne entre Angoulême et Bordeaux, la perspective d’un enfermement prolongé n’aurait pas dû m’effrayer tant les mots télétravail, travail à distance, réunion web, envois et fichiers téléchargés font partie de mon quotidien. Mais là tout était différent, je ne me mettais pas à l’écart du monde pour corriger mes romans ou écrire mes articles web, c’est le monde dans lequel j’adore évoluer qui me signifiait par ce « confinement » que c’était lui qui ne voulait plus de moi et de nous.
La porte vers l’extérieur était donc désormais fermée, nous devions nous protéger et protéger ceux que nous aimons (tout comme ceux que nous n’aimons pas d’ailleurs !) de ce coronavirus qui viendrait mettre le chaos dans nos vies.
Et si du chaos naissait une multitude de possibilités ?
Je dois avouer que dès les premières heures de ce confinement, de multiples questions m’envahirent. Comment continuer à manger, faire l’école à la maison, travailler encore ? Continuer, dormir, bouger, manger (oui, encore !) ou attendre que le monde s’arrête ? Burn-out d’idées, voilà ma pauvre petite tête de correcteur qui implose face à tant de questions qui n’entraient ni dans le schéma narratif de mes romans ni dans les cocons sémantiques de mes mots-clés.
Et finalement ma famille réunie toute entière sous un même toit se mit à vivre quand même, à rire quand même, mieux encore à éprouver un plaisir grandissant à enfin… avoir du temps ! Ce fameux temps derrière lequel nous courons tous, ce temps qui passe à la vitesse de l’éclair, ce temps qu’il fait derrière les lumières bleues de nos écrans en ayant eu à peine le temps de ne le voir qu’à travers la fenêtre de notre Firefox. Ce temps devenait enfin un temps pour nous, une parenthèse familiale enchantée, dans un monde qui n’avait désormais vraiment plus rien de magique pourtant.
De ce temps retrouvé, nous érigerons de nouvelles habitudes de travail, de nouvelles habitudes de vies, éloignées de ce que nous connaissions jusqu’alors. Mais une rythmique tellement plus proche de ce dont nous osions rêver plus jeunes, avant que ce fameux temps ne nous ait emportés dans son tourbillon inexorable de vitesse.
Confinés, ouvrir les yeux et laisser le temps faire
Photo appartenant exclusivement à www.laplumeetlagomme.fr
Nous voilà donc enfermés à demeure, notre télétravail et l’école à la maison comme uniques liens à nos anciens mondes qui luttent sans relâche pour continuer à vivre quand même. Et pourtant, loin de se sentir bridé, voilà que notre esprit se libère au fil des jours pour enfin oser prendre le temps.
Douce, et si cruelle ironie du sort, c’est une épidémie qui nous offrira enfin ce temps si précieux ; là où pour certains le temps est compté, pour d’autres il s’est suspendu… Serait-ce à nous, les confinés, d’ouvrir grand les yeux sur ce monde qui a implosé en un souffle court ? Alors peut-on changer la donne ? Serait-il grand temps de voir enfin nos vies autrement ?
Mélanie Sorbets www.laplumeetlagomme.fr